Les deux camps établirent leur ordre de bataille dans la plaine de Cubuk. Il existe différents comptes sur la taille de chaque armée. Il est raisonnable de penser que la taille de l’armée de Timour était d’environ 160000 hommes tandis que celle de Bayazid était d’environ 70000. L’armée de Timour était presque entièrement constituée de cavalerie, tandis que les Ottomans avaient des fantassins et également une cavalerie. Timour avait 32 éléphants de guerre. Les zones vulnérables de ces éléphants étaient couvertes d’armures. Les guerriers dans la tour située au sommet de ces éléphants pouvaient lancer des flèches et tirer. L’intention était d’effrayer la cavalerie ottomane et d’écraser les fantassins ottomans avec ces derniers. Puisque les chevaux ottomans n’étaient pas familiers avec les éléphants, il fut rapporté que les chevaux ottomans eurent peur. Timour accordait de l’importance au maintien des éléphants dans son armée. Malgré de nombreuses difficultés à utiliser les éléphants dans les batailles, il les amena jusqu’en Anatolie. Selon l’envoyé espagnol, qui visita Timour en 805 (1403), les Timourides croyaient qu’un éléphant de guerre était égal à mille fantassins dans une bataille parce que lorsqu’ils attaquaient, ils écrasaient tout sur leur chemin et lorsqu’ils étaient blessés, ils attaquaient avec plus de fureur et avec les lames tranchantes attachées sur leurs défenses, ils pouvaient tout détruire et de plus, ils pouvaient se battre sans nourriture pendant trois jours.
Caractéristiques du terrain et du champ de bataille
C’est Bayazid qui détermina le lieu de la bataille. Ce génie militaire prouva avant tout comment il pouvait utiliser les caractéristiques géographiques au profit de son armée. Bayazid déploya son armée beaucoup plus rapidement que Timour ne l’avait prévu et arriva d’une direction à laquelle Timour n’avait pu entrevoir et Bayazid de même, entraîna Timour sur un champ de bataille, qui serait préjudiciable aux forces de sa cavalerie rapide, qui dépassaient largement son armée composée principalement de fantassins.
Le champ de bataille fut la vaste plaine de Cubuk. À l’est de la zone, il y avait le ruisseau Cubuk. À l’ouest, il y avait le Mont Karabayır et le Mont Mire. Le Mont Mire de 1611m était la plus haute montagne de cette région. À l’ouest du Mont Mire, il y avait le ruisseau Ova. Les deux collines, Calkaya et Böğrek étaient proches du mont Mire. Cataltepe (Yarbayırları) formait la frontière nord du champ de bataille. La colline Hamamtepesi près du village de Meliksah dominait toute la plaine.
Bayazid avait bien évalué son adversaire. Par conséquent, un champ de bataille idéal pour les Ottomans devrait posséder des caractéristiques telles que :
– Ne pas permettre à des forces de cavalerie très mobiles de se déplacer sur les flancs et à l’arrière de son armée.
– Ses troupes, qui étaient bien entraînées et qui étaient des tireurs précis, pouvaient voir approcher rapidement l’ennemi et tirer depuis des positions fortifiées depuis le front.
– Étant donné que les troupes ottomanes bien disciplinées ne pouvaient pas être écartées facilement des positions fortifiées, la zone devrait contenir de hautes collines pour permettre à ses troupes de résister et de tirer d’en haut.
Tous ces prérequis recherchés par Bayazid étaient présents dans ce lieu qu’il choisit. Le Mont Mire protégeait le flanc droit ottoman, empêchant la cavalerie Timour d’encercler les Ottomans par l’arrière et les flancs. Ceux qui tenteraient un tel mouvement pourraient être arrêtés avec des archers déployés sur les collines de Calkaya et de Bogrek. L’arrière était naturellement scellé avec Cataltepe et Bayazid fortifia également cette zone. Ainsi, il sécurisa son aile droite et son arrière garde et ces obstacles naturels permettraient également aux troupes de Bayazid de se retirer en toute sécurité dans toutes les directions.
La ligne ottomane se forma dans le sud du village de Meliksah ou des camps et des tentes furent installées. La colline Hamamtepesi où Bayazid commandait son armée était derrière le centre de l’armée. C’était haut et facile à défendre. Des janissaires y furent donc déployés. Toutes les vagues d’attaques de cavalerie vers le centre furent interrompues par des tirs précis et efficaces des janissaires.
Seul le flanc gauche ottoman était relativement plus vulnérable car il se trouvait dans la plaine dépourvue d’obstacles naturels. La cavalerie Timour pourrait écraser ce flanc. Mais la colline de Bahadırtepe, légèrement derrière, pourrait constituer une prise défensive pour les Ottomans s’ils étaient forcés de battre en retraite. De cette colline, ils pouvaient se regrouper et résister. Selon la coutume, l’armée rumillienne était sur le flanc gauche. Conscient de la vulnérabilité, Bayazid déploya des réserves ottomanes plus près de l’arrière du flanc gauche. Quand le choc débuta, Timour ordonnerait la première attaque sur ce flanc.
Ne pas tomber dans une embuscade est un aspect important de l’utilisation efficace de la géographie par le commandant d’une armée. Un autre aspect est de ne pas être piégé. Un commandant doit organiser des itinéraires pour une retraite de ses troupes en toute sécurité. Bayazid était un maître de l’utilisation des caractéristiques du terrain à son avantage. Grâce aux mesures qu’il prit au préalable, les troupes ottomanes se retirèrent en masse avec leurs commandants dans des zones de sécurité. Si Bayazid n’avait pas envisagé cela, toute l’armée ottomane aurait été anéantie par les forces de Timour et les Ottomans ne seraient peut-être jamais remis de cette défaite.
Selon les sources musulmanes, la bataille eut lieu le 27 Dzoul Hijjah de l’année 804 de l’Hégire (28 juillet 1402).
L’armée ottomane prit l’ordre de bataille classique sur deux flancs et centre (cœur comme l’appelaient les Ottomans). Le Sultan Bayazid était au centre avec ses fils Mustafa, Moussa et ‘Issa. La cavalerie sipahi et l’infanterie des janissaires couvraient leur front et en première ligne il y avait les ‘Azeb. L’armée anatolienne était sur le flanc droit tandis que l’armée rumillienne était sur la gauche. La cavalerie serbe sous le commandement de Stephan Lazarevic, le beau-frère de Bayazid était sur le flanc droit. Des soldats des beyliks anatoliens récemment conquis ou soumis et des Tartares noirs se trouvaient derrière les deux flancs. À l’arrière, il y avait les forces de réserve. Timour déploya son armée sur deux lignes tandis que lui se trouvait au centre de la deuxième ligne. Ses fils commandaient les flancs. Les éléphants étaient devant ces lignes ordonnées.
Après que les soldats des deux côtés eurent terminé leurs prières, des cors et des tambours du côté de Timour furent entendus. Toutes les banderoles furent déployées et l’armée de Timour se mit en marche. Un mur d’acier massif approchait. La bataille commença avec l’attaque du flanc droit de Timour sur le flanc gauche ottoman.
Le flanc gauche ottoman réussit à immobiliser cette première vague d’attaque et lanca une contre-attaque sur le flanc droit de Timour. Malgré une cavalerie blindée sans fin et des éléphants devant l’armée de Timour, l’armée rumillienne du flanc gauche ottoman réussit à avancer. Mais à ce stade, Timour utilisa son arme secrète. Il réussit à convaincre les Tartares noirs de changer de camp avant d’utiliser son réseau d’espionnage et ces Tartares noirs déployés comme réserves à l’arrière du flanc gauche ottoman chargèrent l’armée rumillienne dans le dos ce qui provoqua l’effondrement du flanc gauche des Ottomans laissés entre deux fronts. La même trahison apparut hideusement sur le flanc droit ottoman. Timour ordonna aux beys sous son commandement de se montrer aux soldats qui étaient déployés dans la réserve du flanc droit ottoman. Voyant leurs anciens seigneurs, ceux-ci attaquèrent le flanc droit ottoman par l’arrière et ce flanc s’effondra également. Malgré la perte de ses flancs, le centre ottoman riposta avec acharnement.
Toute l’armée de Timour encercla le centre ottoman. Bayazid, avec son infanterie, sa cavalerie et ses chevaliers serbes continuèrent à se battre. Même Timour appréciait la détermination et la loyauté des Serbes.
À midi, les commandants ottomans proposèrent au Sultan d’envisager de se retirer. Bayazid refusa cela mais leur permis de battre en retraite avec un grand nombre de troupes. Dans l’après-midi, avec ses troupes de janissaires, Bayazid se retira à Cataltepe avec ses fidèles soldats et solaks. Toute la colline de Cataltepe fut encerclée de dizaines de milliers de soldats de Timour. Ils auraient pu s’enfuir mais ils étaient honorables, ils osèrent s’opposer à la mort.
Alors que ce combat se poursuivait pendant des heures, l’épée de Bayazid se brisa en morceaux. Il se battit alors avec une lourde hache de combat, tuant quiconque s’approchait de lui d’un seul coup et il frappait si fort qu’il n’y avait pas besoin d’un deuxième coup. Il continua à détruire l’ennemi avec cette hache. Plus de 100000 combattants de Timour ne purent briser la résistance de plusieurs milliers d’Ottomans. Lorsque Bayazid vit ses hommes diminuer, il décida de rompre le siège et avec 300 guerriers à cheval, il se dirigea vers le nord.
Lorsque Timour entendit que Bayazid avait rompu le siège, il ordonna à un nouveau régiment de le poursuivre. Il ordonna à Chagatai Khan de le suivre avec une unité de cavalerie fraîche et puissante. Après que Bayazid se soit éloigné de 16 km de Cataltepe, son cheval trébucha et Bayazid tomba. Il laissa tomber le Shah comme une étoile filante, comme si un éclair tombait du ciel sur la terre. Les soldats Timourides, sous le commandement de Chagatai Khan Mahmout Khan, le pourchassait de si près qu’ils le capturèrent avant que Bayazid ne puisse trouver l’occasion de changer de cheval. La cavalerie qui précédait Bayazid pour ouvrir la voie était sur la colline qui fut plus tard nommée colline Cankurtaran (sauveur de vie). Pour garder cette mémoire vivante à jamais, un village fut établi par les Tartares dont les descendants vivent encore de nos jours et nommèrent le village Mahmutoglan.
Mahmout Khan emmena Bayazid dans la tente de Timour. Ils passèrent le champ de bataille, du nord au sud en traversant toute la plaine. Bayazid entendit en chemin les blessés appeler son nom mais ses mains étaient liées et il se déplaça parmi les morts ottomans dans les champs.
La bataille qui débuta tôt le matin dura de 14 à 15 heures jusqu’à minuit était terminée. Il existe de nombreuses théories, conspirations et spéculations sur les suites de la bataille. Les questions comme la façon dont Bayazid perdit la vie, la façon dont Timour le traita étaient toutes des questions pleines d’ambiguïtés et de complots. Quelle que soit la vraie histoire, une chose certaine est qu’un grand commandant militaire perdit la vie le 8 Sha’ban 805 (3 mars 1403), à l’âge de 43 ans en captivité. Après sa victoire, Timour envoya des messages au Roi de France et au Roi d’Angleterre et leur dit qu’il avait vaincu le Sultan Ottoman qu’ils n’avaient pu vaincre à Nicopolis.
La bataille d’Ankara est l’une des tragédies les plus notables de l’histoire turque. Après cette bataille, l’unité en Anatolie fut perturbée, les beyliks rivaux refirent surface, le fils de Bayazid s’engagea dans la lutte pour le trône ottoman et la mainmise ottomane sur les états rivaux s’affaiblie. Mais, en raison du fort caractère institutionnel des états ottomans dont les racines avaient été établies par le père de Bayazid, Mourad Ier et les soldats épargnés de la bataille, les Ottomans ne périrent pas.
D’un autre côté, Timour victorieux retourna vers l’orient, emmena tous les Tartares noirs avec lui et lanca sa nouvelle offensive sur la Chine, qui était le prix ultime pour le rêve de tout guerrier des steppes. Mais il perdit la vie en 1405 avant de réaliser cet objectif. Son état qu’il créa progressivement comme ses ancêtres perdit son pouvoir et disparu dans la poubelle de l’histoire. Tandis que l’Islam brille toujours et brillera toujours n’en déplaise aux mécréants et leurs amis et ce jusqu’à ce qu’Allah Exalté à Lui les Louanges et la Gloire, n’en décide autrement.
Les descendants de Timour, ses petits-fils réussiront cependant à établir un puissant empire Babour (Empire Moghol), qui dura jusqu’à l’arrivée des Britanniques au 19e siècle.
Après le (soit disant) martyre du Sultan Mourad al-Awwal, son fils Bayazid prit le contrôle. C’était un chef courageux et noble, désireux de continuer à faire des conquêtes islamiques (comme son père le fit), se concentrant profondément sur les affaires militaires. Il cibla les émirats chrétiens d’Anatolie, qui devaient passer sous la domination ottomane environ un an après sa succession.