OSMANLI

En dix ans, Souleyman ne conquit seulement pas un vaste territoire. Les Arméniens, les Chrétiens syriens et les hérétiques pauliciens, qui détestaient la pression religieuse et la politique d’assimilation de Byzance, trouvèrent sous l’administration de Souleyman la liberté religieuse qu’ils recherchaient. Grâce à la liberté religieuse typiquement turque et à une administration juste, pleinement appliquée par les successeurs de Souleyman, l’État Seljouk gagna la loyauté de la population locale et se renforca.

Le calife abbasside reconnut le Sultanat de Souleyman en envoyant les emblèmes appropriés, comme une robe d’honneur, un diplôme et un étendard. Il devint ainsi Souleyman-Shah et cet état-frontière des ghazi (combattants dans la voie d’Allah Exalté, moujahid, pluriel moujahidine) fut sauvé de l’influence chiite. Néanmoins, dès 467 (1074), en opposition à ses cousins ​​en Perse, il communiqua avec le calife ‘oubaydi en Egypte ; et, après avoir conquis Tarse, il n’hésita pas à demander au chef chiite de Tripoli en Syrie, de lui trouver des juges et des officiers religieux.

 

A ce propos, il convient de souligner que l’opinion qui prétend que Souleyman fut envoyé en Anatolie par Malik Shah et déclaré son dirigeant, n’est qu’un mythe. Il en est de même des sources byzantines qui, de manière caractéristique, le dépeignent comme un vassal de l’empire, alors qu’en fait, il tint leurs Empereurs à sa merci.

 

L’Anatolie après Souleyman

 

Après la mort de Souleyman, ses fils qui étaient avec lui furent envoyés à Malik Shah ; pendant un certain temps, entre 479-85 (1086-92), le trône d’Iznik fut vacant et l’unité politique de l’Anatolie brisée. En 477 de l’Hégire (1084), le fondateur de l’État Danishmand central, Ghazi Ibn Danishmand ou Danishmand Koumoushtakin Ahmad Ibn ‘Ali Taylou at-Tourkman, en tant que vassal de Souleyman et complétant les opérations de ce dernier, attaqua Gabriel, le gouverneur de Malatya.

 

En 478 (1085), le conquérant de Chankiri et Kastamonou, Qaratakin, prit Sinop et, la même année, l’émir Bouldaji envahit les régions supérieures du Jayhan. Une autre principauté, fondée par Menqouchek Ghazi entre Erzinjan et Divriği, combattit les Grecs sur la rive de la Mer Noire en collaboration avec les Danishmand.

Il y eut aussi un autre état fondé à Izmir (Smyrne) par un bey turc courageux et intelligent nommé Chaka qui avait été fait prisonnier par les Byzantins dans l’une des batailles anatoliennes et instruit dans le palais impérial. En 474 (1081), il s’enfuit à Izmir et rassembla tous les Turcs de ces régions sous son commandement. Il réussit également à créer une marine en recrutant des Grecs sur les côtes, et put ainsi asseoir son pouvoir sur les îles de la Mer Égée. Cet état dura jusqu’à la fin de la première croisade.

L’une des autres premières principautés apparues en Anatolie fut fondée à Erzurum par l’émir Saltouq, qui reconnut les Seljouk de Perse comme ses souverains. Les États Artouqid, qui devaient inclure Diyar Bakr, Mardin et Kharpout, et l’état de Soukmenli près du Lac de Van n’existaient toujours pas, et ils n’apparaîtront que dix ans plus tard. Ces régions étaient gouvernées par les gouverneurs Seljouk à cette époque. Hormis les territoires de Philarètes et Gabriel, qui furent considérablement réduits par Souleyman et le Danishmand Koumoushtakin, la seule partie de l’Anatolie qui n’était pas aux mains des Turcs était la région orientale de la Mer Noire. A Trébizonde, qui fut reprise aux Turcs en 1075, un Duché grec fut fondé. Les successeurs du Duc restèrent indépendants des Empereurs Byzantins et formèrent parfois des alliances avec les Turcs.

 

Abou al-Qassim, que Souleyman laissa comme son adjoint à Iznik lors de sa campagne en Cilicie et à Antioche, non seulement détint l’État Seljouk après la mort de Souleyman, mais s’avança aussi jusqu’au détroit. Malik Shah envoya d’abord l’émir Boursouq prendre les Seljouk d’Anatolie sous son contrôle, et fit tuer le frère de Souleyman en 471 (1078). Il envoya ensuite une armée à Iznik sous le commandement de l’émir Bouzan. Face au danger de l’armée de Malik Shah, Abou al-Qassim et Alexis formèrent une alliance. Mais la mort de Malik Shah en 485 (1092), alors que Bouzan assiégeait Iznik, mit fin à la pression du Grand Seljouk sur l’Anatolie ; et lorsque les différends sur la succession commencèrent à la suite de sa mort, le fils de Souleyman, Kilij Arsalan, fut libéré et se rendu à Iznik en 1092.Les Turcs l’accueillirent avec une grande joie et l’intronisèrent.

 

Le jeune Kilij Arsalan I réorganisa son état, reconstruisit sa capitale et nomma des gouverneurs et des commandants. Il chassa également les Byzantins qui tentaient de s’installer sur les rives de Marmara. En acceptant la coopération de l’Empereur Byzantin, il disposa de son rival, Chaka Bey, qui avançait dans la direction des Dardanelles et augmentait son pouvoir. En conséquence de son traité avec Byzance, il se sentit libre de se tourner vers l’est pour l’expansion. En 489 (1096), il assiégea Malatya ; mais bien que les habitants de la ville, en particulier les Chrétiens syriens, lui offrirent de lui céder la ville afin de se sauver de Gabriel, qui s’était converti au Christianisme orthodoxe et s’opposait à eux, Kilij Arsalan fut contraint de revenir défendre sa capitale contre les croisés.

 

Le premier groupe des croisés, venu avec Pierre l’Ermite, fut facilement détruit, mais il fut difficile de résister à la grande armée organisée qui suivit. Les croisés assiégèrent Iznik et, bien que Kilij Arsalan se soit empressé de revenir, il ne put entrer dans la ville. Le 19 juin 1097, les défenseurs d’Iznik se rendirent par accord à l’armée de l’Empereur. Ces Turcs, les trésors du Sultan et sa femme, qui était la fille de Chaka, furent tous envoyés à Constantinople. Kilij Arsalan, prenant comme alliés le Danishmand Koumoushtakin et l’émir de Cappadoce, Hassan Bey, rencontra les Croisés à Eskishehir, où, le 17 Rajab 490 (1 juillet 1097), une grande bataille eut lieu. Les deux armées combattirent vaillamment et il y eut beaucoup d’effusion de sang. Un chroniqueur parmi les croisés décrivit comment les Seljouk combattirent en ces termes : « Si les Turcs avaient été Chrétiens, personne n’aurait pu être leurs égaux dans la bataille et la bravoure. » Mais les croisés avaient une supériorité écrasante sur les Turcs. Pour cette raison, Kilij Arsalan recula, afin de ne pas réduire son armée par de nouvelles pertes. Bien qu’il ait de nouveau combattu les Croisés avec Koumoushtakin et Hassan Bey à ses côtés à Ereghli près de Konya, il subit de très lourdes pertes et dû battre en retraite. Une montagne fut nommée d’après l’émir Hassan (Hasan-dagh) car un grand nombre de ses soldats y furent tués, et plus tard des sanctuaires virent le jour dans cette région en sa mémoire. Bien que de grandes pertes aient été subies par les Turcs d’Anatolie, à la fois en terres et en effectifs, à la suite de la première croisade, ils se rétablirent rapidement.

 

Durant le mois de Ramadan 493 de l’Hégire (5 juillet 1100), Koumoushtakin Ahmed Ghazi rencontra les croisés venant de Syrie et les battit à Malatya, faisant prisonnier Bohémond et d’autres grands princes. En 1100 également, lui et Kilij Arsalan anéantirent complètement deux grandes armées de croisés, l’une près d’Amasya et l’autre à Ereghli, alors qu’ils se battaient pour libérer les croisés emprisonnés à Niksar. Ces victoires améliorèrent le moral de Kilij Arsalan et des Turcs d’Anatolie, qui avaient auparavant souffert aux mains des croisés. Après la chute d’Iznik, Kilij Arsalan fit de Konya sa capitale. En concluant un accord avec l’Empereur contre les croisés, il put se tourner pour conquérir l’est, comme l’avait fait son père. Il vainquit d’abord les Danishmand et les prit sous sa suzeraineté. En 496/1103, il captura Malatya de Koumoushtakin, qui l’avait conquise en 494 (1101), et y établit sa propre administration. Il tourna ensuite son attention vers les principautés de l’Anatolie orientale, et leur fit reconnaître en lui leur seigneur. En rivalité traditionnelle avec les Grands Seljouk, il annexa Mossoul. Mais il fut impliqué dans une bataille violente sur le fleuve Khabur contre une forte armée envoyée par le Grand Sultan Seljouk Muhammad et, comme son père, il perdit  la vie à cause de cette rivalité, le 9 Shawwal 500 (3 juillet 1107). Bien que l’État Seljouk de Roum déclina sérieusement à la suite de la mort de son père et des attaques des croisés, il reprit et devint plus fort que jamais sous sa direction mais il subit une crise encore plus grande avec sa propre mort.

 

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