La marche Salah ad-Din en Syrie et de son raid sur les croisés
Le 5 du mois de Mouharram de l’année 578 de l’Hégire (1182), Salah ad-Din quitta l’Egypte pour la Syrie. Voici une histoire surprenante d’une remarque de mauvais augure.
Quand il quitta le Caire, il campa dans sa tente jusqu’à ce que ses troupes, son personnel, ses principaux conseillers, les ‘Oulama, les poètes et littérateurs se soient rassemblés, certains d’entre eux pour lui dire au revoir et d’autres pour voyager avec lui. Chacun d’entre eux avait quelque chose à dire pour l’adieu, la séparation et l’expédition qu’ils allaient entreprendre. L’un d’entre ceux était un tuteur d’un des enfants de Salah ad-Din qui se leva dans l’assemblée et récita :
« Apprécie la douce odeur des astéracées du Najd,
Car après ce soir il n’y aura plus de fragrance. »
Salah ad-Din qui avait été dans une humeur détendue devint déprimé et tira un mauvais présage de ces mots et pour ceux qui étaient présents, l’assemblée tourna au vinaigre. Jusqu’au jour où il mourut et bien que ce soit après une longue période, Salah ad-Din ne revint jamais en Egypte.
Salah ad-Din se mit alors en route de l’Egypte, suivit par une grande foule de marchands, de gens du pays et ceux qui avaient quitté la Syrie pour l’Egypte à cause de la famine là et ailleurs. Quand il se mit en route, il prit celle d’Aylah quand il entendit dire que les croisés s’étaient rassemblés pour s’opposer à lui et bloquer son passage. En arrivant près de leur territoire, il envoya les faibles et les bagages avec son frère Taj al-Moulouk Bouri à Damas et resta lui-même avec les troupes combattantes. Il lanca des raids sur leur territoire périphérique et particulièrement sur les régions de Karak et de Shawbak. Personne ne vint pour le rencontrer et personne n’osa s’approcher de lui. Alors il poursuivit sa marche vers Damas ou il arriva le 11 du mois de Safar.
De la prise d’une grotte forteresse par les Musulmans
Durant cette année et toujours au mois de Safar, les Musulmans prirent aux croisés une grotte-forteresse[3] en Syrie, connue sous le nom de Habis Jaldak dans le district de Tibériade donnant sur le Sawad. Sa capture arriva comme suit.
Quand les croisés furent informés de la marche de Salah ad-Din de l’Egypte vers la Syrie, ils se rassemblèrent pour s’opposer à lui, appelèrent leur cavalerie et infanterie et se réunirent à Karak, près de sa route dans l’espoir qu’ils pourraient saisir une opportunité ou gagner une victoire, qu’ils pourraient peut-être même empêcher le passage des Musulmans en se postant dans des passages montagneux étroits, ce qu’ils firent, laissant ainsi leur territoire face à Damas vide.
Farroukhshah informé, réunit les forces de Damas qu’il avait avec lui et marcha ensuite sur les terres des croisés et les attaqua. Il pilla Dabouriyah et les villages voisins, prit ou tua un grand nombre d’hommes, asservit les femmes et prit du butin. Il conquit aussi cette forteresse de roches qui avait été une source de mal pour les Musulmans qui se réjouirent énormément de sa chute.
Farroukhshah envoya un rapport du succès à Salah ad-Din et le rejoignit ensuite en cours de route. Cela affaiblit le pouvoir des croisés et leur potentiel offensif fut brisé.
Des raids de Salah ad-Din sur la vallée jordanienne et d’autres territoires croisés
Lorsque Salah ad-Din arriva à Damas, il y resta quelques jours pour se reposer et reposer ses troupes. Alors au mois de Rabi’ Awwal, il marcha sur le territoire croisé en direction de Tibériade et campa dans le voisinage. Il dressa ses tentes à Ouqhouwanah sur le Jourdain.
Les croisés arrivèrent avec leurs détachements et s’arrêtèrent à Tibériade. Salah ad-Din envoya son neveu Farroukhshah à Bayssan, ou il entra par la force des armes et pilla tout en tuant et en asservissant. Il entreprit dans la vallée jordanienne un raid de grande envergure ou il tua et captura à vaste échelle les habitants. Les bédouins arrivèrent et attaquèrent Jenin, Lajin et sa région et s’approchèrent même de la plaine d’Acre.
Les croisés quittèrent Tibériade et campèrent au pied de la colline de Kawkab. Salah ad-Din avança vers eux et envoya des archers pour les couvrir de flèches mais ils tinrent leur position et ne firent aucun mouvement pour livrer bataille. Il ordonna alors à ses deux neveux, Taqi ad-Din ‘Omar et ‘Izz ad-Din Farroukhshah de charger les croisés avec leurs troupes. Ils combattirent férocement et ensuite les croisés se retirèrent en ordre de bataille et établirent leur camp à ‘Afrabalah. Quand Salah ad-Din vit l’étendue des dommages qu’il leur avait infligé ainsi qu’à leurs terres, il se retira à Damas.
De Damas, Salah ad-Din alla à Beyrouth et ravagea sa banlieue. Il avait ordonné à la flotte égyptienne de naviguer à Beyrouth. Ils vinrent, bloquèrent la ville et attaquèrent celle-ci et les régions avoisinantes. Salah ad-Din arriva alors et se joignit à eux et pilla tout ce qui ne l’avait pas été par la flotte. Puis, il assiégea Beyrouth un certain nombre de jours avec l’intention de poursuivre le siège jusqu’à ce qu’il la prenne. Alors qu’il attaquait la ville, des nouvelles lui parvinrent que la mer avait rejeté à Damiette un navire de croisé portant beaucoup de personnes qui comptaient faire le Pèlerinage à Jérusalem. Ils réussirent à prendre un grand nombre de captifs avant que le navire ne sombre et que le reste de ses occupants périssent noyés. Le nombre de prisonniers s’éleva à 1 676 et cela fut une occasion pour battre les tambours de la victoire.