Des troubles à La Mecque, du renvoi de son émir et de la nomination d’un autre
Au mois de Dzoul Hijjah de cette année, il y eut une bataille féroce dans La Mecque entre l’émir du Pèlerinage Tashtakin et l’émir de La Mecque Moukaththir. Le calife avait ordonné à l’émir du Pèlerinage d’écarter Moukaththir et d’installer son frère Daoud à sa place et cela arriva comme suit.
Moukaththir avait construit un château sur le mont Abou Qoubays. Quand les pèlerins quittèrent ‘Arafat ils ne s’arrêtèrent pas pour passer la nuit à Mouzdalifah et passèrent simplement à côté. Ils ne firent non plus le jet de pierres des Jamras et certains d’entre eux lancèrent juste des cailloux sur certains d’entre eux, puisqu’ils passaient. Ils campèrent à Abtah où certains des habitants de La Mecque sortirent et luttèrent contre eux si bien que des deux côtés plusieurs hommes furent tués. Les pèlerins crièrent : « Laissez-nous razzier La Mecque » et ils procédèrent pour attaquer l’endroit. L’émir de La Mecque Moukaththir s’enfuit et se réfugia dans le château qu’il avait bâti sur le mont Abou Qoubays où il fut assiégé. Il l’abandonna alors et quitta La Mecque. Son frère Daoud prit alors la fonction d’émir. Un grand nombre de pèlerins pillèrent La Mecque et saisirent beaucoup de marchandises des marchands locaux et mirent le feu à beaucoup de maisons et une chose remarquable arriva.
Un expert de matières combustibles toucha une maison avec un flacon de naphte et y mit le feu. C’était la propriété de certains orphelins et tout ce qui était dedans brûla. Il prit alors un deuxième flacon pour viser un autre endroit mais une pierre lancée sur lui toucha le flacon et le brisa répandant la substance qui s’enflamma sur lui. Il agonisa durant trois jours torturé par ses brûlures et mourut ensuite.
Au mois de Ramadan cette année, il y eut une éclipse totale du soleil qui obscurcit la terre si bien que durant quelques temps ce fut comme si la nuit était tombé et les étoiles apparurent. Cela arriva dans la matinée du vendredi 29 Ramadan. A cette époque, comme un jeune, j’étais dehors dans al-Jazirat Ibn ‘Omar avec un de mes enseignants, un des ‘Oulama avec qui j’étudiais les mathématiques. Quand j’en fus témoin je fus extrêmement terrifié et m’accrochait à lui. Il me calma et puisqu’il était aussi un étudiant en astronomie, il me dit : « Tu vas bientôt tout voir de nouveau » et l’éclipse passa rapidement.
Cette année aussi, le calife al-Moustadi Bi-Amrillah nomma Abou Talib Nasr Ibn ‘Ali an-Naqid chambellan de palais. Dans sa jeunesse, il avait été surnommé « l’Alouette » ce que les gens ont commencé à lui crier quand il apparut en public. Le calife ordonna à un groupe de Turcs d’aller avec lui pour les empêcher et les gens s’arrêtèrent. Juste avant la fête, il lui donna une robe d’honneur avant la procession. Un certain nombre de personnes de Baghdad achetèrent une grande quantité d’alouettes avec l’intention de les libérer pendant le défilé quand ils apercevraient Ibn al-Naqid. Le calife fut informé de cela et craignant que le défilé devienne une risée, il le licencia de sa fonction et le nomma Ibn al-Mou’awwij (fils du tordu).
Au mois de Dzoul Hijjah, le jour de la fête de ‘Id al-Adhah, des émeutes éclatèrent à Baghdad entre les habitants et certains Turcs (certainement des soldats car ces derniers causèrent de grands troubles durant le règne des Abbassides et particulièrement à Baghdad) qui avaient saisis les chameaux destinés au sacrifice. Plusieurs personnes furent tuées et beaucoup de propriétés furent pillées. Le calife distribua de grandes sommes d’argent à ceux dont les propriétés avaient été pillées.
Toujours cette année, il y eut un tremblement de terre dans les terres perses, des frontières de l’Irak au-delà d’ar-Rayy. De grands nombres des gens périrent et beaucoup de maisons furent détruites surtout à ar-Rayy et Qazwin.
Au mois de Ramadan, Shams ad-Dawlah Touranshah Ibn Ayyoub qui avait conquis le Yémen vint à Damas lorsqu’il entendit dire que son frère Salah ad-Din l’avait pris car sa maison et ses camarades lui manquaient. Il quitta donc le Yémen et vint à Damas. Sur sa route, il envoya un massage à son frère pour l’informer de son arrivée. Dans sa lettre il écrivit les vers suivants d’Ibn al-Mounajjim al-Misri :
« À Salah ad-Din je me plains,
Que je dépéris et brûle de le voir de nouveau,
Peiné par ma distance de lui, bien que,
N’était-ce mon amour pour lui, je ne m’affligerais pas de ma lointaine demeure.
Pourtant, je chevaucherais sûrement le destrier de ma détermination pour aller vers lui.
Le destrier de mon amour devra me porter avec son galop et ses longues foulées.
Je continuerai à travers les parties les plus chaudes du jour,
Par cette chaleur, le cœur du jour éclatera.
Je voyagerai à travers la nuit quand ni les voyages,
Ni le fantôme de l’imagination ni les éclats de foudre ne brillent.
Je lui expédierai à l’avance mon cœur pour lui dire,
Que je suivrai bientôt avec mon corps,
Pour que je puisse témoigner de son visage le plus béni,
De cet horizon d’où se lève le matin, l’étoile du bonheur. »
Au mois de Mouharram de cette même année, Salah ad-Din, dont le pouvoir devint important grâce à la conquête des terres syriennes qu’il conquit et à cause de la défaite de l’armée de Mossoul, quitta Damas ce qui causa aux croisés et aux autres des frayeurs. Son intention était d’envahir leur territoire, de l’attaquer et de la ravager. Ils envoyèrent donc un messager pour demander une trêve qu’il accepta selon certaines conditions convenues entre eux. Il ordonna alors aux contingents égyptiens de revenir en Egypte et se reposer jusqu’à ce qu’il les rappelle à nouveau et en leur stipulant que chaque fois qu’ils les convoqueraient, ils ne devraient pas s’attarder. Ils revinrent donc en Egypte et y restèrent jusqu’à ce qu’il les appelle pour la guerre contre Sayf ad-Din, ce que nous rapporterons si Allah Exalté le veut.
Comment Salah ad-Din ravagea les terres des hashashiyine
Quand Salah ad-Din quitta Alep, ce que nous avons déjà rapporté, il marcha contre le territoire des ismaéliens au mois de Mouharram de l’année 572 de l’Hégire (1177) pour leur faire la guerre suite à leur attaque et leur tentative de l’assassiner. Il ravagea, détruisit et brûla leur terre. Il assiégea la forteresse de Massyaf, un de leurs forts les plus puissants et les plus imprenables. Il déploya ses catapultes et bombarda continuellement les défenseurs sans le moindre arrêt. Sinan, le chef des hashashiyine envoya un messager à Shihab ad-Din al-Harimi, le seigneur de Hama, qui était l’oncle maternel de Salah ad-Din, et lui demandant de négocier, de régler l’affaire et d’intercéder pour lui et ajouta : « Si tu ne la fais pas, nous te tuerons ainsi que toute la famille de Salah ad-Din et les émirs. » Shihab ad-Din vint trouver Salah ad-Din, et intercéda pour eux et lui demanda de les pardonner. Salah ad-Din accepta, fit la paix avec eux et partit ensuite car ses troupes s’étaient fatiguées de la longue campagne. Leurs mains étaient pleines du butin de l’armée de Mossoul et du pillage de la terre des ismaéliens et ils voulaient retourner chez eux pour se reposer. Il leur donna donc congé et tandis que lui-même avec ses troupes partit pour l’Egypte parce qu’il s’était absenté trop longtemps.
Il n’avait pas pu y aller auparavant car il avait craint pour la terre de la Syrie. Cependant, après qu’il vainquit Sayf ad-Din, assiégea Alep, prit ses terres et fit ensuite la paix, il se sentit sûr pour ses terres et retourna en Egypte. Ayant d’y arriver, il donna des ordres pour la construction d’une enceinte autour du Vieux Caire dans les fourrés et les broussailles et autour du Nouveau Caire ainsi qu’autour de la Citadelle qui est sur la colline Mouqattam[3]. Sa circonférence était de 29 300 coudées (15.2 km) des coudées Hashimi (0.52 cm) et les travaux progressaient encore à la mort Salah ad-Din.
Récit d’une victoire musulmane sur les croisés et d’une victoire croisée sur les Musulmans
Shams ad-Din Muhammad Ibn ‘Abdel-Malik Ibn al-Mouqaddam qui étaient le seigneur de Baalbek reçut des renseignements qu’un détachement de croisés avait envahi al-Biqa’, une région du district de Baalbek et l’avait razzié. Il sortit aussitôt à leur rencontre, posa une embuscade dans les fourrés et les bosquets puis tomba sur eux et en tua un grand nombre et prit deux cents prisonnier hommes, qu’il envoya à Salah ad-Din.
Shams ad-Dawlah Touranshah, le frère de Salah ad-Din, qui avait conquis le Yémen était arrivé à Damas, comme nous l’avons rapporté. Pendant qu’il s’y trouvait, il entendu dire qu’un groupe de croisés était venu de leur territoire dans le district de Damas. Il marcha alors contre eux et les rencontra dans la plaine de ‘Ayn al-Jarr. Cependant, il ne résista pas devant eux mais s’enfuit. Ils saisirent et firent prisonniers tous ses hommes dont Sayf ad-Din Abou Bakr Ibn as-Salar, un chef principal de la force damascène. Cela enhardi les croisés, qu’Allah les maudisse, qui s’étendirent loin et large dans cette région et réparèrent ainsi leur cuisante défaite face à Ibn al-Mouqaddam.
De la rébellion du seigneur de Shahrazour contre Sayf ad-Din et son retour à l’obéissance
Cette année, Salah ad-Din ordonna la construction de la Madrassah qui est près du tombeau d’ash-Shafi’i (puisse Allah lui faire miséricorde) dans le Vieux Caire et fit aussi bâtir un hôpital au Caire sur lequel il établit de nombreuses et importantes dotations.
De même cette année, je vis à Mossoul deux agneaux avec un estomac, deux têtes, deux cous, deux dos et huit jambes. Ils étaient comme deux agneaux mais avec un seul estomac. Le visage de l’un était à l’opposé de l’autre. C’est vraiment un prodige.
Cette année aussi, un météore tomba à terre et l’illumina d’une intense lueur. On entendit un grand bruit. Sa trace resta dans le ciel pendant quelque temps et disparue ensuite.