CROISADES

De la défaite de Sayf ad-Din face à Salah ad-Din

 

Le 10 du mois de Shawwal de cette année, près de la colline du Sultan à un jour de voyage d’Alep sur la route de Hama eut lieu une bataille entre Sayf ad-Din Ghazi Ibn Mawdoud et Salah ad-Din dans laquelle Sayf ad-Din fut vaincu.

Cela arriva parce qu’après la défaite de son frère, ‘Izz ad-Din Mas’oud devant Salah ad-Din l’année précédente et après la conclusion d’un accord avec son autre frère, ‘Imad ad-Din le seigneur de Sinjar, Sayf ad-Din revint à Mossoul, réunit ses troupes, distribua de l’argent et demanda le soutien du seigneur de Hisn Kayfa, le seigneur de Mardin et autres. De larges forces se rassemblèrent avec lui qui atteignirent 6 000 cavaliers.

Au mois de Rabi’ Awwal de cette année, il alla à Nisibis où il resta longtemps, jusqu’à la fin de l’hiver. Son armée devint mécontente et les fonds qu’ils avaient reçus s’épuisèrent. Revenir défait chez eux leur devint préférable à la victoire, parce qu’ils s’attendaient s’ils étaient victorieux, à rester un peu plus en Syrie après la victoire. Puis, Sayf ad-Din vint à Alep où il fut rencontré par l’eunuque Sa’d ad-Din Koumoushtakin, le régent d’al-Malik as-Salih, avec les troupes d’Alep.

 

Salah ad-Din avait seulement un nombre réduit de troupes avec lui parce qu’il avait fait la paix avec les croisés au mois de Mouharram de cette année, comme nous le rapporteront si Allah Exalté le veut et il avait envoyé le reste de ses forces en Egypte. Il leur envoya donc un messager pour les convoquer. Si ses ennemis avaient promptement marché contre lui, ils auraient accompli leur but, mais ils s’attardèrent et marchèrent trop tard car pendant ce temps ses troupes l’avaient rejoint et il quitta Damas pour Alep afin d’affronter Sayf ad-Din.

Les deux armées entrèrent en contact visuel près de la colline de Sultan. Sayf ad-Din était arrivé le premier et quand Salah ad-Din arriva, c’était déjà le soir et lui et ses hommes étaient fatigués et assoiffés si bien qu’ils se jetèrent sur la terre, incapable d’aller plus loin. Plusieurs personnes conseillèrent à Sayf ad-Din de les attaquer pendant qu’ils étaient dans cet état, mais Zoulfandar dit : « Nous n’avons aucun besoin d’engager ce rebelle à cette heure. Tôt demain, nous les saisirons tous » et Sayf ad-Din remit donc la bataille à plus tard jusqu’au jour suivant.

Quand le matin arriva, ils établirent leurs lignes de bataille. Zoulfandar, qui était le commandant de l’armée de Sayf ad-Din plaça ses bannières dans une dépression de terrain où ils pouvaient seulement être vus par ceux qui étaient près d’eux. Quand les hommes ne purent pas les voir, ils s’imaginèrent que le sultan avait fui le champ donc ils ne résistèrent pas mais s’enfuirent chacun pour soi. Des deux côtés, en dépit de leurs grands nombres, seule une personne fut tuée.

 

Sayf ad-Din atteignit Alep, où il laissa son frère ‘Izz ad-Din Mas’oud avec une partie de son armée tandis que lui-même, traversa l’Euphrate et se rendit à Mossoul ne croyant pas qu’il survivrait. Il croyait que Salah ad-Din traverserait l’Euphrate et attaquerait Mossoul. Il consulta son vizir, Jalal ad-Din et Moujahid ad-Din Qaymaz pour abandonner Mossoul et se réfugier dans le château de ‘Aqr al-Houmaydiyah. Moujahid ad-Din lui dit : « Penses-tu que si Mossoul t’était prise que tu pourrais tenir dans une des tours de l’enceint externe ? » « Non, » répondit-il. « Et bien une tour dans l’enceinte extérieure est mieux que ‘Aqr. Les princes sont toujours vaincus et reprennent ensuite la bataille de nouveau. »

Lui et le vizir acceptèrent de le soutenir et de renforcer son moral. Ainsi Sayf ad-Din resta où il était et se détourna plus tard de Zoulfandar et le renvoya. Il nomma à sa place le commandant des armées Moujahid ad-Din Qaymaz, ce que nous rapporterons si Allah Exalté le veut.

 

Le secrétaire ‘Imad ad-Din a rapporté dans son livre al-Barq ash-Shami sur l’histoire du règne de Salah ad-Din que l’armée de Sayf ad-Din comptait 20 000 cavaliers dans cette bataille mais ce ne fut pas ainsi. Il est certain qu’il y a avait certainement plus de 6 000 cavaliers sans toutefois excédé 6 500 car j’ai lu attentivement le registre d’enregistrement. Le fonctionnaire qui l’administra et l’écrivit était mon frère Majd ad-Din Abou as-Sa’adat al-Moubarak Ibn Muhammad Ibn ‘Abdel-Karim (puisse Allah lui faire miséricorde). L’intention d’al-‘Imad était simplement d’exagérer les actes de son maître en déclarant qu’avec 6 000, il vainquit 20 000, mais la vérité mérite mieux d’être suivie. De plus, je regrette de ne pas avoir connu la superficie de Mossoul avec ses dépendances jusqu’à l’Euphrate pour voir si elle aurait pu avoir et maintenir 20 000 cavaliers.

 

Des terres d’as-Salih Ibn Nour ad-Din que Salah ad-Din conquit après cette défaite

 

Après la défaite de Sayf ad-Din et son armée et leur arrivée à Alep, ce dernier revint à Mossoul, comme nous l’avons déjà rapporté[2] . Il laissa son frère ‘Izz ad-Din Mas’oud dans Alep avec un détachement de son armée comme renforts pour al-Malik as-Salih après que Salah ad-Din et ses troupes aient pris comme butin le convoi de bagages de l’armée de Mossoul qui le rendit riche et les renforca.

Salah ad-Din alla à Bouza’a qu’il mit sous siège et engagea dans la bataille les défenseurs de la citadelle. Plus tard il accepta sa reddition et posta des hommes pour la garder puis procéda à Manbij et l’assiégea à la fin du mois de Shawwal. La ville était tenue par Qoutb ad-Din Yinal Ibn Hassan al-Manbiji, qui était un ennemi féroce de Salah ad-Din, qui faisait campagne et incitait à l’hostilité contre lui en l’attaquant personnellement. Il exaspéra donc Salah ad-Din qui le menaça. Il prit la ville qui ne s’opposa pas à lui mais la citadelle resta tenue par son souverain qui l’avait rempli d’hommes, d’armes et de provisions. Salah ad-Din l’assiégea durement et répéta les assauts sur la citadelle. Les sapeurs s’approchèrent du mur, le minèrent et la place fut prise par la force des armes. Les troupes de Salah ad-Din prirent tout le contenu comme butin. Salah ad-Din fit prisonnier Yinal et prit toute ses richesses le laissant pauvre sans le moindre haricot. Par la suite Salah ad-Din le libéra et il alla à Mossoul où Sayf ad-Din Ghazi lui assigna la ville de Raqqah en fief.

 

Ayant fini avec Manbij, Salah ad-Din se rendit alors au fort d’A’zaz ou il arriva le 3 du mois de Dzoul Qi’dah. C’est un des plus puissants forts et un des endurables. Il l’encercla d’un lourd siège et d’un strict blocus et érigea des trébuchets (catapultes) pour l’attaquer et un grand nombre de ses soldats périrent lors des assauts.

Un jour alors que Salah ad-Din était dans une tente appartenant à un de ses émirs nommé Jawouli le commandant de la troupe Assadi, un hashashi se jeta sur lui et le frappa à la tête avec une dague et le blessa. Et n’était le casque de maille qu’il portait sous sa coiffe, il aurait été tué. Salah ad-Din empoigna la main du batini bien qu’il fut incapable de le retenir de porter des coups cependant, il ne pouvait que lui donner des faibles coups. L’ismaélien batini continua de le frapper sur le cou avec sa dague. Salah ad-Din portait une brigandine et les coups glissèrent sur le col de celle-ci et le coupa. La cotte de mailles empêcha les coups d’atteindre son cou et parce que sa fin n’était pas encore décrétée. Un émir nommé Yazkoush, s’avança et saisit la dague de sa main. Le hashashi le blessa mais il n’abandonna pas avant de l’avoir tué. Un autre ismaélien avança et fut tué puis un troisième qui fut lui aussi tué. Salah ad-Din retourna alors dans     sa tente dans un état de choc croyant à peine qu’il avait échappé de peu à la mort. Sa troupe fut alors repassé en revue et il renvoya tous ceux qu’il ne reconnut pas et confirma à son service ceux qu’il reconnut.

Il persévéra dans le siège d’A’zaz durant trente-huit jours ou le combat de chaque jour fut plus intensif que celui du jour précédant. Un grand nombre de galeries furent creusées sous la muraille et ensuite les défenseurs soumis lui abandonnèrent le fort qu’il prit le 11 du mois de Dzoul Hijjah.

 

Du siège d’Alep par Salah ad-Din et de la paix conclue

 

Lorsque Salah ad-Din prit le fort d’A’zaz, il disposa pour Alep où se trouvaient al-Malik as-Salih et ses troupes ou il arriva le 15 du mois de Dzoul Hijjah et qu’il assiégea. Les habitants jouèrent un rôle honorable dans la défense de la ville dans le fait qu’ils prévinrent Salah ad-Din d’approcher de la ville et à chaque fois qu’il avança pour lancer un assaut, il fut intercepté avec ses troupes par une foule ou beaucoup furent tués ou blessés. Les gens avaient l’habitude de faire des sorties et le retenir à l’extérieur de la ville si bien qu’il renonça aux assauts et préféra attendre l’opportunité.

 

L’année 571 de l’Hégire (1176) arriva à sa fin et l’année 572 (1176) entra et le trouva encore en train d’assiéger la ville. La 20 du mois de Mouharram des envoyés furent envoyés entre eux pour conclure la paix. Les deux côtés étaient disposés parce que les habitants craignaient un long siège et l’affaiblissement tandis que Salah ad-Din vit aussi qu’il était incapable de s’approcher de la ville et de retenir les défenseurs. Les conditions de paix furent ratifiées pour tous, pour al-Malik as-Salih, Sayf ad-Din le seigneur de Mossoul et les seigneurs de Hisn Kayfa et de Mardin. Une des conditions qui fut spécifiée est qu’ils devraient mutuellement coopérer contre quiconque romprait traîtreusement l’un de ces conditions.

Quand l’affaire fut décidée et la paix conclue, Salah ad-Din se retira d’Alep après avoir restitué le château d’A’zaz à al-Malik as-Salih. Ce dernier envoya à Salah ad-Din une de ses jeunes sœurs qui était encore une enfant. Salah ad-Din l’accueillit avec honneur et lui présenta beaucoup de cadeaux. Il lui demanda : « Que voudrais-tu ? » et elle lui répondit : « Le château d’A’zaz, » car ils l’avaient préparée à dire cela. Salah ad-Din le lui abandonna et partit pour les terres des hashashiyine, qu’Allah les maudisse.

 

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