La reprise de Bayt al-Maqdis par al-Malik an-Nassir Daoud
En l’an 637 de l’Hégire (1239), alors que les princes Ayyoubi étaient en conflit, les croisés bâtirent une citadelle à Jérusalem dans laquelle ils intégrèrent la tour de Daoud qui avait été laissé en état quand al-Malik al-Mou’azzam fit raser les murs de la ville. Quand al-Malik an-Nassir Daoud en fut informé, il marcha sur Bayt al-Maqdis qu’il pilonna avec ses mangonneaux et après 21 jours de siège, il prit la ville par la force des armes, le 9 du mois de Joumadah Awwal avec une partie de l’armée égyptienne. Quant à la tour de Daoud, elle ne fut prise que le 15 de ce même mois. An-Nassir accorda la sécurité aux habitants mais se saisit de leurs biens. Puis, il rasa la tour de Daoud, entra dans Jérusalem et chassa les croisés. Ibn al-Jawzi écrivit ces vers :
« La Mosquée lointaine a cette habitude qui est devenue connue dans tout l’univers :
Lorsque la mécréance s’établit et la souilla par sa présence, Allah lui envoya un prince qui la vengea de cet affront.
Ce fut un Nassir qui la vengea une première fois et c’est un Nassir qui la vengea une deuxième fois. »
Le dimanche 14 du mois de Rabi’ Awwal eut lieu un affrontement entre les croisés qui occupait la Palestine et l’armée égyptienne ou les croisés furent battus. Les Musulmans capturèrent leur cavalerie, leurs comtes, quatre-vingt cavaliers et deux cent cinquante fantassins qui furent conduits au Caire. Dans ce combat, 1 800 croisés furent tués et les Musulmans ne perdirent que dix hommes.
En l’an 638 de l’Hégire (1240), les Khwarizmi ravagèrent le pays qui dépend de Qal’at Ja’bar et de Balis et massacrèrent un grand nombre des habitants. Ceux qui s’échappèrent se réfugièrent à Alep et Manbij.
Les Khwarizmi se joignirent avec Badr ad-Din Lou’ lou’, le prince de Mossoul et leur force combinée s’éleva à environ douze mille hommes qui marchèrent sur Alep. L’armée d’Alep sortit à leur rencontre pour les affronter mais elle fut mise en déroute et perdit un très grand nombre d’hommes. Les Khwarizmi prirent alors tous les bagages de l’armée. La garnison de la ville résista à leurs attaques mais tous les territoires furent dévastés. Les armées coalisées commirent des actes abominables, massacrant ou réduisant en captivité les habitants tandis que les édifices furent ruinés. Les habitants de Manbij furent passés par l’épée et un nombre incalculable de personnes périrent dans la place. La ville fut pillée, les soldats violèrent les femmes dans la mosquée ‘Alamiyah, les enfants furent massacrés et lorsque tout fut ravagé, ils se retirèrent. Les Khwarizmi montrèrent ainsi aux gens de quels genres d’atrocités ils étaient capables.
Lorsqu’al-Mansour, le souverain de Homs apprit que l’armée d’Alep avait été anéantie par les Khwarizmi, il partit avec ses troupes pour Alep ou il arriva devant la ville, le samedi 23 du mois de Rabi’ Thani. Le sultan et la population sortirent d’Alep pour l’accueillir ainsi que les troupes d’Alep qui se réunirent sous le commandement de ce prince avec l’armée de Damas. Al-Mansour traversa alors l’Euphrate et marcha sur Sarouj et ar-Rouha ou il tomba sur les Khwarizmi et les mit en déroute puis, il s’empara de tous leurs bagages et les força à s’enfuir jusqu’à ‘Ana.
L’alliance d’al-Malik as-Salih ‘Imad ad-Din avec les croisés
Cette année, al-Malik as-Salih ‘Imad ad-Din craignant les projets d’al-Malik as-Salih Najm ad-Din Ayyoub, envoya un messager aux croisés et conclut un traité avec eux pour qu’ils l’aident à faire la guerre au sultan d’Egypte. Il s’engagea à leur donner en échange de leurs services, les citadelles de Safad et de Shaqif avec les régions avoisinantes et partager avec eux Sa’idah, Tibériade, ainsi que les territoires dépendants, la montagne d’Amila et d’autres terres.
Le prince de Damas se décida à attaquer l’Egypte quand il fut informé qu’al-Malik as-Salih Najm ad-Din avait fait emprisonner des Mamalik, des eunuques, des officiers de la garde rapprochée, plusieurs émirs et que le reste des émirs égyptiens craignaient pour leur vie. Il se prépara pour la guerre et envoya des messagers à al-Malik al-Mansour, le souverain de Homs, d’Alep et aux croisés pour demander leurs aides. Il permit aux croisés d’entrer à Damas et d’y acheter des armes ce qu’ils firent et profitant de cette permission, ils achetèrent une immense quantité d’armement et d’engins de guerre aux habitants de Damas.
Les Musulmans furent outrés de leur comportement et allèrent trouver les juristes pour demander leur avis juridiques (Fatwah). Le Sheikh ‘Izz-ad-Din Ibn ‘Abd as-Salam déclara alors illicite la vente des armes aux croisés et interdit de faire le sermon au nom d’al-Malik as-Salih Isma’il dans la grande mosquée de Damas.
Lorsqu’al-Malik as-Salih Isma’il qui n’était pas à Damas fut informé, il destitua le Sheikh ‘Abd as-Salam et ordonna de l’emprisonner ainsi que le Sheikh Abou ‘Amrou Ibn al-Hajib qui avait aussi critiqué la conduite du sultan, ce qui fut fait.
Quand al-Malik as-Salih revint à Damas il les libéra cependant, le Sheikh ‘Abd as-Salam fut mis aux arrêts dans sa demeure et continua à émettre ses avis juridiques mais sans recevoir personne. Le Sheikh lui demanda la permission d’assister à la prière du vendredi, de recevoir son médecin et son barbier quand il aurait besoin d’eux et de pouvoir se rendre aux bains, ce qui lui fut accordé. Le souverain de Damas donna alors la charge de Khatib de Damas qui avait été exercé par Izz ad-Din Ibn ‘Abd-as-Salam à ‘Alam ad-Din Daoud Ibn ‘Omar Ibn Youssouf Ibn al-Khatib de Bayt al-Abar.
Al-Malik as-Salih quitta Damas avec ses troupes, l’armée de Homs, d’Alep et d’autres encore puis marcha jusqu’à ce arrive sur les rives du Nahr al-‘Awjah ou il campa. Lorsqu’il fut informé qu’al-Malik an-Nassir Daoud campait à al-Balqah, il marcha aussitôt contre lui, tomba sur son armée qu’il mit en déroute.
Al-Malik an-Nassir Daoud s’enfuit jusqu’à Karak tandis qu’al-Malik as-Salih Isma’il mit la main sur ses bagages, fit prisonniers un grand nombre de ses soldats avant de revenir à al-‘Awjah tandis que cette victoire renforca son pouvoir dans le pays.
Al-Malik an-Nassir Daoud envoya un messager aux croisés pour demander leur aide, leur promettant de leur remettre en retour tout ce le sultan Salah ad-Din Youssouf leur avait pris. Puis, il quitta al-‘Awjah et vint camper à Tall al-‘Ajoul où il resta quelques jours. Voyant alors qu’il ne pourrait pas envahir l’Egypte, il revint à Damas car lorsqu’al-Malik as-Salih Najm ad-Din Ayyoub apprit qu’al-Malik as-Salih Isma’il était sorti de Damas pour attaquer l’Egypte et qu’il avait avec lui une armée de croisés, il envoya son armée contre le souverain de Damas et quand les deux armées furent en présence, toutes les troupes syriennes passèrent du côté égyptien et ensemble se retournèrent et attaquèrent les croisés qu’ils mirent en fuite prirent un très grand nombre de prisonniers. C’est pour ces derniers que le sultan fit bâtir la forteresse de l’île de Rawdah (dans le Nil) et les collèges Salahiyah au Caire.
Toujours cette année, la paix fut conclue entre les croisés et al-Malik as-Salih qui remit en liberté les comtes, les chevaliers et les fantassins croisés qui étaient détenus prisonniers en Egypte.
Durant la nuit du 25 du mois de Mouharram, cinq personnes descendirent par les fenêtres de Qoubbah az-Zajaj dans le Mashhad an-Nafissi et volèrent seize chandeliers d’argent qui se trouvaient sur le tombeau. Ils furent arrêtés dans al-Fayoum et amené au Caire le 4 du mois de Safar. L’un d’entre eux avoua que c’était lui qui s’était introduit par les fenêtres et prit les chandeliers déchargeant ainsi ses complices. Il fut donc pendu le 10 de ce même mois devant le Mashhad et son corps resta si longtemps pendu au gibet que les os furent dépouillés de leur chair.
Cette année, dans le pays de Roum, un homme nommé Il-Baba Ibn at-Tourkman se prétendit prophète. Il rassembla autour de lui des disciples qui osèrent dire « Il n’y a de Dieu qu’Allah et Il-Baba est l’envoyé d’Allah. » L’armée du sultan du Sultanat de Roum marcha contre eux et les affronta dans une bataille ou périrent dans les deux camps, quatre mille hommes dont Il-Baba et avec sa mort sa rébellion prit fin.
Cette année aussi, un messager des Tatars envoyé par leur souverain le Khakan arriva à Mayafariqin. Il apporta des lettres adressées au prince de cette ville et aux souverains de l’Islam qui commençait ainsi : « De la part du vicaire du maître des Cieux, celui qui bouleverse la surface de la terre, le souverain de l’occident et de l’orient, le Kakhan.»
Le messager dit à Shihab-ad-Din, le souverain de Mayafariqin : « Le Kakhan t’a nommé son Silahdar et t’ordonne de détruire les murailles de ta ville ». Le prince lui répondit : « Je ne suis qu’un des princes et ma ville est bien peu de chose comparée au pays de Roum, de Syrie et d’Egypte. Va trouver les souverains de ces contrées et j’agirais comme eux. »
En l’an 639 de l’Hégire, les prix augmentèrent en Egypte et chaque Ardab de blé fut vendu au prix de deux dinars et demi.
Le dimanche, 29 du mois de Rabi’ Awwal, le soleil fut entièrement éclipsé, le ciel devint totalement noir et les étoiles apparurent si bien qu’on fut obligé d’allumer les lampes en plein jour.